Le palais Garnier

« Il faut être Dieu ou architecte ! » avait lancé Charles Garnier devant le Parthénon. En tout cas, l’Opéra qui porte son nom, témoigne de ses dons de créateur tout-puissant? C’est le point d’orgue d’une époque qui chante et danse à perdre haleine.

Monsieur Charles Garnier, Grand Prix de Rome, âgé de 35 ans, a été proclamé vainqueur du concours pour la construction du nouvel Opéra, à l’unanimité du jury. En 1861, cette annonce fait l’effet d’une bombe. Un jeune architecte qui n’a encore aucun ouvrage d’importance à son actif se voit confier le monument le plus emblématique du Second Empire. Sa candidature a été retenue parmi 170 autres, il a même évincé de glorieux rivaux de la taille de Viollet-le-Duc pour décrocher la commande du siècle.

Le site est tout trouvé : au bout de l’avenue Napoléon – future avenue de l’Opéra-, alors en construction depuis le Palais-Royal, au cœur de l’immense place à venir, que Garnier est également chargé de dessiner – d’où l’extraordinaire harmonie de l’ensemble une fois l’ œuvre achevée.

Trop beau pour être vrai ?

La scène se passe au palais des Tuileries. L’empereur Napoléon III examine le projet du lauréat quand l’impératrice fait irruption dans le bureau, effleure d’un regard dédaigneux les plans qui ont font éliminer son protégé Viollet-le-Duc, et lâche dédaigneusement : »Qu’est-ce que ce style-là ? Ce n’est pas un style ! Ce n’est ni du grec, ni du Louis XIV, pas même du Louis XV !« .  C’est là que que Charles Garnier aurait fièrement répliqué : « Non, ces styles-là ont fait leur temps… C’est du Napoléon III ! Et vous vous plaignez !« . Le tout lancé sur un ton acerbe, tandis que l’empereur sourit dans sa barbe. C’est en tout cas ce que racontera la veuve de l’architecte plus de quarante après les faits…

Une naissance dans la douleur

Les travaux débutent en juillet 1861, mais des difficultés surviennent rapidement : les ouvriers tombent sur une nappe d’au souterraine? C’est d’autant plus grave que les fondations doivent être particulièrement profondes pour une scène de théâtre censée engranger par le bas des décors de 15 m de haut ! Il faudra des mois pour pomper la nappe, et bétonner une cuve de protection dans ce terrain marécageux.

Finalement, en juillet 1862, le ministre chargé des Beaux-Arts, le comte Walewski, fils des amours de Napoléon Ier et de Marie Walewska, pose la première pierre du chantier pharaonique voulu par Napoléon III, le neveu de son illustre père.

La construction va s’étaler sur quinze ans, ralentie par les bouleversements politiques: la guerre de 1870, le siège de Paris, la fin du Second Empire, la Commune. Lors de l’Exposition universelle de 1867, Parisiens et visiteurs émerveillés, ont pu découvrir la façade flambant neuf, mais elle seule. Le reste est en chantier. Au pire du conflit avec la Prusse, le monument inachevé destiné à servir d’écrin aux plus éclatantes soirées de gala de la Ville lumière sert de dépôt de vivres…

Le temple de l’art lyrique

Le Second Empire triomphant avait « lancé » son Opéra, c’est la IIIe République qui le termine: Napoléon III ne verra pas le résultat, inauguré le 5 janvier 1875 par le président Mac-Mahon, son ancien maréchal…

L’ouverture officielle est un événement considérable, où accourent près de 2 000 personnalités du toute l’Europe. La famille royale d’Espagne, le Lord-maire de Londres, le bourgmestre d’Amsterdam, figurent parmi les invités…Il n’y a que Charles Garnier qu’on a oublié et qui a dû payer sa place pour entrer dans « son » palais ! Un peu plus et il trouvait porte close… Un comble pour celui qui venait de remettre au premier directeur de l’Opéra le monstrueux trousseau des 1942 clefs du bâtiment !

Depuis l’inauguration de l’Opéra-Bastille en 1989, on l’appelle l’Opéra-Garnier pour le distinguer de son moderne rival, mais dans le cœur des vrais amoureux d’art lyrique, le palais Garnier reste le véritable Opéra de Paris.

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